Jean-Jacques Dessalines : Son règne et sa politique économique
1er Janvier 1804, date de la
signature de l’acte de l’indépendance. Il confirme non seulement une rupture totale
avec la France mais aussi la détermination inébranlable de sauvegarder
l’indépendance. Elle est d’autant plus significative de la consécration du
pouvoir personnel de Dessalines (Général en Chef de l’Armée) seul détenteur des
pouvoirs législatifs et exécutifs, gardien de la liberté et de l’indépendance. Parlons
un peu de son règne et de sa politique économique.
Le
gouvernement de Jean-Jacques Dessalines du 1er Janvier 1804 au 17
Octobre 1806 (2ans 9mois 17jours) est divisé en 2 grandes parties : le Gouvernorat et l’Empire.
·
Gouvernorat (1er Janvier 1804 – 22
Septembre 1804)*. Le 1er Janvier 1804 Dessalines nommé
Gouverneur Général à vie avec le droit
de désigner son successeur.
·
Empire (22Septembre1804 – 17 Octobre 1806)*.
Avec son sacre le 8 Octobre 1804, il accède au titre d’Empereur d’Haïti sous le
nom de Jacques 1er. Il établit un empire autoritaire et nationaliste
et de conviction catholique quoique la liberté de religion est accordée (art.
50 de la constitution de 1805), la couronne est élective et non héréditaire (art 23, constitution 1805)
et officialise le français comme langue officielle. En distribuant les
meilleures terres confisquées aux colons, il crée ainsi une noblesse haïtienne.
Il est apparemment le 1er dans sa constitution impériale de 1805 à
avoir utilisé le terme « Noir » de manière idéologique, l’article 14
(déclaration préliminaire) stipulait : «…
Les Haïtiens ne seront désormais connus sous la dénomination générique de noirs ».
Sont « Noirs » tous ceux qui ont subi les mêmes calamités, tous ceux
qui ont subi les mêmes atrocités et un jour se sont unis pour s’aimer,
s’entraider et courir à la vengeance, se disputer les premiers coups et
remporter la victoire sur un système qui les a broyés, massacrés, mutilés
pendant des siècles et des siècles. Le contexte de l’indépendance exigeait un
régime fort pouvant faire face à l’hostilité esclavagiste d’où sa politique de
sureté intérieure.
Cette
politique consistait à la création d’une armée populaire et aussi à la
fortification du territoire. L’un de
ses premiers actes pour sauvegarder l’indépendance, fut l’élimination
(massacre) des Français. Sur ce point il a reçu bon nombre de critiques. Mais laissez-
moi vous poser cette question : Un homme vivant 30 de ses 48 années
d’existence, dans l’enfer de l’esclavage sous
le joug de fer, jouets des passions des hommes, de leur injustice et des
caprices du sort : victime mutilé de la cupidité des blancs français,
après avoir engraissé de sa sueur ces sangsues insatiables avec une patience,
une résignation sans exemple, comment cet homme qui n’a jamais goûté aux
bienfaits du pardon, qui n’a jamais bénéficié de miséricorde pouvait à son tour
pardonner et faire miséricorde ? Dessalines n’était pas Dieu mais un
homme, un homme assez intelligent pour donner une réplique à ce que des hommes
soi-disant civilisés ont perpétré pendant plus de deux siècles. Comme il l’a
si bien dit : « Oui, nous
avons rendu, à ces vrais cannibales(les français d’alors), guerre pour guerre,
crimes pour crimes, outrages pour outrages. ». Oui il agissait en
légitime défense : « Oui,
j’ai sauvé mon pays, j’ai vengé l’Amérique.». (Proclamation relative aux
massacres des français du 28 avril 1804). D’autres mesures ont été prises comme
la construction des forts qui
vise la défense de l’indépendance contre
les ambitions des puissances coloniales. La
campagne de l’Est une nécessité historique car l’existence de l’esclavage
dans l’Est peut compromettre l’indépendance nationale. De ce fait, pour se défendre et consolider les acquis de
la Révolution Haïtienne il y a obligation de l’étendre sur toute l’Ile. L’étatisme également une exigence du
moment. Pour trouver les moyens financiers pour défendre l’indépendance le pouvoir
devait adopter un régime économique lui permettant d’avoir un contrôle total de
l’économie.
A
l’époque coloniale, Saint Domingue à elle seule donnait à la France les neuf
douzièmes de cette prospérité d’outre mer dans le nouveau monde. Mais la production
va atteindre son plus bas niveau après la guerre de l’indépendance. Le Dr
Ernst A. Bernadin (Histoire Economique
et Sociale de 1804 à nos jours) décrit la situation : « Après l’indépendance,
Haïti était en proie à la faillite économique la plus totale. La production
était en chute, les ressources financières indispensables au démarrage du pays
manquaient. ». Ce qui est évident car pour accéder à l’indépendance, de grands
sacrifices ont dû être consentis. « Pas une ville n’ait été incendiée,
certaines plusieurs fois. Le matériel des habitations a été détruit. Les canaux
d’irrigation sont délaissés. Beaucoup d’animaux ont disparu. » (Jacques
Baros). En 1804, l’économie haïtienne était complètement ruinée. Qu’allait
faire ses dirigeants ? Qu’allait faire Dessalines pour remédier à la
situation ? Quelle politique économique adopter pour relever la prospérité
de ce pays ?
Toute
la richesse de Saint Domingue dépendait de deux choses : l’Agriculture
et le Commerce. Haïti avait besoin de croissance car à cette époque le nouvel
état était dans l’obligation de défendre l’indépendance. Dessalines devait
créer cet état fort. Elaborons les différentes mesures instaurées par
l’empereur pour atteindre ces objectifs.
L’agriculture
était à son plus bas niveau et Dessalines se voyait dans l’obligation de réformer
les bases de sa production. L’une de ses premières actions fut de trouver une
solution à la problématique de la terre. Il a fait son choix en nationalisant
toutes les terres cultivables. Les terres laissées par les colons sont
confisquées par l’Etat. L’article 12(dispositions générales) de la constitution
de 1805 déclare : « Toute
propriété ayant appartenu à un blanc français, est incontestablement et de
droit confisquée au profit de l’Etat Haitien. » et cela même si cette
propriété a été vendue et payée en partie. Le nouveau propriétaire devait
verser à l’Etat la somme restante sur le contrat de vente. En faisant le choix
de la grande propriété étatique, il se mettait en face des aspirations de
l’oligarchie noire et mulâtresse et aussi en face des attentes de la masse des
anciens esclaves. Etant en possession de ces terres, il prévoyait de
réorganiser le travail.
Sachant que la puissance économique de l’Etat
résidait dans l’agriculture, il l’encourageait, l’article 21(dispositions
générales) de sa constitution l’énonçait en ces termes : « L’agriculture comme le premier, le
plus noble de tous les arts, sera honorée et protégée. ». Il est allé
encore plus loin en établissant le caporalisme agraire. Ses mesures limitaient
non seulement le déplacement des cultivateurs dans les villes mais aussi les
exhortaient sur la forme de culture à adopter. Par le décret du 9 Avril 1805,
il veut rétablir le mode d’exploitation de Louverture fondé sur la grande
production, sur le contrôle strict du processus de travail impliquant une
intense mobilisation des travailleurs. Pour surmonter le paradoxe entre ce
projet économique et sa doctrine politique fondé sur un certain égalitarisme,
il a tenté de se rattraper dans sa politique de distribution des richesses par
quart entre gérant propriétaire, cultivateurs et l’Etat. Décisions qui
n’arrivent pas à calmer les différents groupes sociaux. De plus le bâton, les
verges, la prison sont remis en vigueur afin de vaincre le raidissement de la
main-d’œuvre. Pour certains historiens la politique économique de Dessalines
était proche de l’économie plantationnaire qui existait à l’époque coloniale,
mais sans esclavage. En plus de sa vision de réforme agraire, il voulait
s’ouvrir au commerce.
Dans cette visée de développement
économique, Dessalines encourageait et insistait sur l’importance du commerce.
L’article 22(dispositions générales) stipulait : « Le commerce, seconde source de la
prospérité de l’Etat ne connait point d’entraves. ». Pour s’assurer
que le commerce rapporte un bénéfice à l’Etat, un bon nombre de mesure
économique fut prise. Par l’ordonnance du 15 Octobre 1804, il défend aux
capitaines de bâtiments étrangers de détailler eux-mêmes leurs cargaisons. Cela
lui permettait d’avoir un contrôle du commerce extérieur car seuls les négociants ayant à leur
disposition des patentes pouvaient traiter avec ces commerçants. Malgré ses
mesures, des abus survenaient sur les
droits d’importations et d’exportations, d’où la nécessité du décret du 2
Septembre 1806 (art. 1) qui fixe une taxe de 10% sur les produits à
l’importation et à l’exportation. Ces dispositions commerciales rigoureuses
montrent sa détermination à enlever à la bourgeoisie commerciale toute liberté et
faire cesser toutes dérives dans l’administration de la marine.
Et au final pour s’assurer de la
demande de sa production, il exige aux commerçants étrangers de composer leur cargaison par
tiers (1/3 de café 1/3 de coton 1/3 de sucre). Cette disposition lui permettait
de contrôler la commercialisation de ses produits et éviter l’achat de l’un au
mépris des autres. Cela ne plaisait guère aux commerçants mais il était le seul
à la direction du pays. Donc le seul en position de décider. L’article 31 de sa
constitution l’évoque ainsi : « L’empereur
dirige les recettes et dépenses de l’Etat, surveille la fabrication de
monnaies, lui seul en ordonne l’émission, en fixe le poids et le type. ».
Il était le chef suprême et il a su agir en tant que tel ce qu’il a payé cher
de sa vie.
Contrairement aux on- dit de
certains faisant croire qu’après l’indépendance, Haïti était sans élite
inspiratrice, sans cadres sociaux et sans ressources humaines adéquats. Notre analyse
nous a permis de voir la situation sous un autre angle. Quoique ce gouvernement
n’a pas échappé à la corruption et aux bavures d’un homme accédant au pouvoir
suprême. Les actes et lois du gouvernement de Dessalines montrent qu’il était
un visionnaire qui a vu son Etat se positionner aux rangs de toutes les
puissances politiques et économiques de l’époque. Malheureusement le sort ne
nous a pas permis de le voir à l’œuvre, il n’a pas eu le temps de faire cette
réforme agraire tant attendue. Le coup du sort a voulu voir comment nous autres
Haïtiens allaient bâtir cette nation avec les mains pleines du sang de celui
qui avait la capacité de réunir autour de lui tous les indigènes pour lutter
pour une même cause et atteindre un même but.
Hommage
à J. J. Dessalines Général en Chef de l’Armée
Empereur d’Haïti
Fondateur de la Patrie
*Les dates
peuvent être soumises à des débats
Merci Karlen de nous faire revivre cette partie de notre histoire avec cette si grande aisance, tu as su nous transporter. On est revenu du voyage avec une fierté de l'accomplissement de ce grand empereur et le plaisir d'avoir lu un prestigieux historien.
RépondreSupprimerMerci d'avoir pris le temps de me lire
SupprimerC très bien!
RépondreSupprimerMerci
SupprimerArticle la byen frape nan tout sens bru..Kenbe la.
RépondreSupprimerKyky
Mèsi bro
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